QU’EST-CE QUE LE LABEL FSP ?
En novembre dernier, le conseil d’administration de Fairtrade International a adopté la création d’un nouveau label de commerce équitable : le FSP, Programmes d’approvisionnement Fairtrade.
Le FSP est présenté comme un assouplissement du cahier des charges Fairtrade-Max Havelaar pour augmenter les débouchés. Il vise à séduire les multinationales.
Le débat a été vif au sein de Fairtrade-Max Havelaar puisque la CLAC, le réseau de producteurs latino-américain qui représente plus de 300 coopératives de petits producteurs et réalise plus de 60 % des ventes Fairtrade-Max Havelaar dans le monde, a voté contre la proposition.
Mais les latino-américains ont été minoritaires dans le vote final car les producteurs africains et asiatiques, ainsi que les associations nationales des pays consommateurs (les Max Havelaar de chaque pays) ont voté pour cette nouvelle initiative.
Pour trouver de nouveaux débouchés, Max Havelaar au niveau mondial a donc décidé de modifier une règle d’or de son système de labellisation : le « tout ce qui peut être équitable doit être équitable » n’est plus de mise avec le nouveau label.
Concrètement, une tablette de chocolat aux noix de cajou labellisée Max Havelaar doit obligatoirement contenir du cacao, du sucre et de la noix de cajou équitables. Le FSP remet en cause une règle, jusque-là, d’or en ouvrant la possibilité de n’avoir qu’un seul de ces ingrédients équitables.
Dans ce cas, le produit porte un logo un peu différent du logo Max Havelaar actuel, avec des couleurs légèrement modifiées et l’inscription du « programme » concerné : programme cacao par exemple. De quoi perdre les consommateurs puisque le dessin du nouveau label est très proche de « l’ancien ».
Avec ce nouveau label, Max Havelaar confirme l’existence d’un commerce équitable à deux vitesses. Aux consommateurs de comprendre ce qu’ils achètent…
UN LABEL QUI RÉPOND À LA DEMANDE DES MULTINATIONALES
Le marché de la labellisation commerce équitable/développement durable connaît une forte concurrence avec l’émergence de 2 autres labels, Utz et Rain Forest, qui se sont depuis toujours calés sur les prix des marchés conventionnels.
Les grands acteurs mettent ainsi le label Faitrade-Max Havelaar en concurrence avec les autres deux labels. Pour apposer son logo sur davantage de barres chocolatées, Faitrade-Max Havelaar a été donc obligé – ou a préféré – sacrifier ses prix minimum garantis.
Pourtant, faut-il le rappeler, le prix minimum garanti est un concept clé du commerce équitable. Toutes les études réalisées montrent combien il est à la source de l’impact obtenu sur le terrain. L’effondrement des cours suite à une phase de surproduction ou de spéculation boursière a de graves conséquences sur l’agriculture paysanne. En garantissant des prix stables, le commerce équitable a su maintenir des coopératives et des régions entières à flot.
UNE ADAPTATION AUX BESOINS DES MULTINATIONALES QUI VA SE PERENNISER
Le processus d’adaptation des standards de Fairtrade-Max Havelaar aux besoins des multinationales va probablement continuer. Une prochaine étape pourrait bien concerner l’introduction des plantations et l’extension de l’agriculture de contrat au détriment de la préférence actuelle pour les petits producteurs organisés.
Des plantations sont aujourd’hui certifiées par Fairtrade-Max Havelaar pour la banane, le thé et les fleurs. Environ 1 banane équitable sur 2 provient aujourd’hui de plantations bien que les petits producteurs de banane équitable ne vendent pas la totalité de leur volume en commerce équitable.
La possibilité d’étendre l’accès des plantations à d’autres produits est en discussion depuis plusieurs années. Les producteurs d’Amérique latine y sont fermement opposés avec un motif simple : cela conduit à une concurrence déloyale avec les coopératives de petits producteurs.
Face à la position ferme de la CLAC, Fairtrade-Max Havelaar s’est engagé à ne pas considérer les plantations pour le café, le sucre et le cacao jusqu’en 2015.
Après 2015, le sujet sera à nouveau débattu. Étant donné la forte demande des multinationales pour que les plantations soient prises en compte (comme c’est déjà le cas pour les labels Utz et Rain Forest), on peut s’attendre à une possible évolution de Fairtrade-Max Havelaar dans ce sens.
PLUS DE VENTES POUR MOINS D’IMPACT
Selon Fairtrade-Max Havelaar, l’accroissement des ventes qui résultera du nouveau label FSP est une nécessité pour permettre à plus de producteurs de bénéficier du commerce équitable.
Pour le réseau latino-américain CLAC, l’insuffisance des ventes ne peut être dissociée de la nécessité de réguler l’entrée de nouveaux producteurs dans le système.
Si Fairtrade-Max Havelaar intègre plus de nouveaux producteurs que la capacité du marché équitable à l’absorber, il y aura toujours un déséquilibre.
Ce nouveau commerce équitable permettra certes de collecter des volumes importants. Mais il aura renoncé aux transformations sociales et aux changements des rapports de force que le commerce équitable appelle.